Without your smile, there's not a good night (Korana)

Voilà près d'un quart d'heure que je n'arrivais pas à me dépêtrer de ce quadragénaire sans doute beaucoup trop passionné. Une de mes connaissances présentes ce soir avait tenu à me le présenter lorsque je lui avais évoqué mon intérêt pour cette exposition. Mais je n'avais clairement pas envie de le remercier pour m'avoir lancer dans les pattes de cet homme qui parlait sans cesse, à un débit aussi impressionnant que déroutant et incessant. Je n'avais pas le temps d'en placer une. Et voilà plusieurs fois qu'il posait sa main sur mon épaule ou sur mon bras lorsque j'essayais d'émettre le moindre mouvement pouvant s'apparenter à une fuite quelconque. On serait à l'extérieur, je n'aurais clairement pas perdu de temps en me libérant aussi sèchement que possible de son 'emprise'. Néanmoins, la bienséance de ces lieux et de cette soirée d'ouverture me refroidirent quelque peu dans toute tentative aussi directe qu'un peu trop rêche ! Ainsi me contentais-je de m'armer de toute la patience demeurant encore en moi pour supporter et attendre l'intervention divine d'une quelconque libération !

Avant d'aller plus loin, sans doute devrais-je vous préciser que j'étais entre les murs du musée de Metropolis. Une grande exposition sur la Grèce antique venait d'être lancée dans la ville de demain. Et je dois dire que c'était une facette de l'histoire de cette planète bleue que je n'avais encore jamais réellement approché. De tout ce que j'avais pu entendre autour de moi, les cultures égyptiennes et grecques étaient les plus passionnantes et intéressantes à découvrir. Et, dans cette logique d'apprentissage de ce monde, que je perpétue depuis les cinq années où je suis arrivée ici, je n'avais nullement hésité à me rendre ici pour voir et découvrir toute la richesse et toute la profondeur d'une culture aussi antique que fascinante. Même si la curiosité pour cette part de l'histoire du monde n'était pas mon unique moteur non plus, je dois bien le reconnaître. Il est un fait certain que j'avais eu dans l'espoir de pouvoir croiser celle que le grand public connaissait sous l'identité de Wonder Woman. J'avais espéré pouvoir arriver en ces lieux et croiser le chemin de cette belle et talentueuse guerrière et en apprendre d'avantage sur l'univers dont elle est elle-même issue. Malheureusement, ce malicieux hasard ou ce tortueux destin, c'est comme vous voulez, ne m'en avait nullement donné l'occasion. Et ainsi demeurais-je toujours embarqué dans les récits et les propos de ce vieux passionné qui, finalement, me parlait d'un objet dont j'avais tout bonnement oublié le nom originel ! C'était pour vous dire !

« Par Tamaran, merci... ! » Finis-je néanmoins par murmurer lorsqu'un couple de personnes plus âgés arrivèrent à notre hauteur. Il ne fallut que d'une seconde pour qu'il se tourne vers eux, pour qu'il détourne son attention de moi et je m'étais alors rapidement faufilée quelques mètres plus loin, attrapant une coupe de champagne circulant dans la salle, tout en replaçant une mèche de cheveux vagabonde sur mon front de ma main libre. Sur le même temps, je laissai un soupir de soulagement s'évader de façon plus ou moins audible avant de m'arrêter près d'une colonne de marbre contre laquelle je laissai retomber mon épaule. Non pas que j'avais perdu un réel intérêt pour l'exposition qui se lançait ce soir. Mais, en toute honnêteté, j'avais besoin d'une ou deux minutes pour laisser respirer mon cerveau et retrouver un peu d'apaisement. Car, oui, je le reconnais. À force, ce 'gentil' bonhomme plein de bonne volonté était parvenu à royalement me taper sur les nerfs en fin de compte. Je me consolai alors en dégustant lentement la coupe de champagne attrapée quelques instants plutôt. Par la même occasion, mon regard scrutait la grande salle, l'ensemble des vitrines et toutes les personnes présentes en recherche de mon ami de toute à l'heure, ou même de l'Amazone... Mais, à nouveau, la chance ne semblait guère être de mon côté !

Quelque peu déçue, mais n'était clairement pas décidée à passer toute ma soirée à ruminer dans mon coin, ni à être venue ici pour rien, je me redressai et m'avançai alors de vitrine en vitrine pour observer ce qui pouvait s'offrir à mes yeux. De vieux objets précieusement restaurés. Des artefacts en tout genre. Et une fresque qui semblait retracer un immense conflit entre des Dieux, situé sur le sommet d'une montagne, et des entités immenses, gigantesques, traversant la Terre et les cieux. Je m'arrêtai devant cet étrange spectacle et attarda mon regard sur le titre de ladite fresque. « Les Dieux contre les Titans... ? » Énonçais-je le titre en question avec intrigue, sourcils froncés, comme attirée par la représentation d'un tel conflit... Sans pour autant en connaître la symbolique, la raison ou la substance. « Qu'est-ce que c'est que ça ?! »
   

C'est avec un sursaut à peine perceptible que j'accueillis l'arrivée de cette voix si particulière. Je ne sais pas pourquoi mais, chaque fois que j'entendais le son de cette voix proprement dit, je ressentais comme une forme de contentement, de ravissement. Mon visage avait envie de se perdre dans un soyeux sourire naturel alors qu'une douce vague de chaleur semblait vouloir réchauffer l'intérieur de mon être tout entier. C'était étrange. C'était bizarre. Mais c'était surtout grisant et plaisant à souhait comme sensation proprement dite. Toutefois, ce ne fut pas sur ladite sensation que mon intérêt se tourna, mais bel et bien vers l'explication et l'histoire qui me fut dés lors contée. Mon regard se tourna en coin vers l'oratrice de ce récit proprement dit. Mon esprit ne se focalisa pas directement sur la beauté ou l'élégance que pouvait arborer la princesse des amazones en cette soirée. Je dois d'ailleurs reconnaître que je ne pris nullement le temps de pouvoir en admirer les traits tant j'étais concentrée sur chaque information apportée au fil des mots s'écoulant. L'histoire en question n'était pas très heureuse et avait de quoi faire froid dans le dos. De ce que j'avais pu apprendre depuis mon arrivée sur Terre, c'était le genre de récit qui se rattachait à des mythes et des légendes... Autrement dit, des interprétations. L'équivalent de fables ou d'histoire partant d'une petite réalité pour l'en transformer en une forme de conte épique mais néanmoins effroyable. Je ne savais pas si cela s'était réellement déroulé. Mais si tel était le cas, il y en avait de quoi être effrayée. Tant par l'origine même de cette guerre retranscrite de manière artistique, que par les puissances en présence et ayant pu se perdre dans un conflit cataclysmique ! Enfin, une fois de plus, pour un simple mortel dénué de talents ou de dons aussi uniques, qu'extra-terrestres, ou tout simplement divins !

Quoiqu'il en soit, c'est telle une élève sage et modèle que je ne bronchai aucunement durant le discours de ma professeur improvisée. Mon seul et unique geste fut de replacer convenablement une mèche de cheveux rebelle derrière le lobe de mon oreille. « Eh bien, ça fait froid dans le dos... » Un combat, une guerre entre un père horrible et des enfants désireux de se libérer de son emprise et de ses vilénies. Ce n'était clairement pas comparable à ce que j'avais pu vivre avec ma soeur sur Tamaran. Néanmoins, j'en ressentais tout autant de dégoût et d'inconfort. Telle avait été mon unique réaction, mon unique intervention à la fin de cet exposé avant que mon enseignante de ce soir ne vienne s'enquérir de mon propre intérêt. « Oh, pas particulièrement. Enfin, je veux dire que j'ai juste été intriguée par cette fresque et ce qu'elle représentait. » Je lui ferai grâce de toute l'explication de ma présence ici, avec ma fuite de l'homme aux histoires interminables et j'en passe. Néanmoins, la notion même de ces Titans susnommés titillèrent ma curiosité et mon intérêt. « Après, je t'avouerais que j'ai de la peine pour ces Titans... Et de l'admiration. » Propos étrange, n'est-ce pas ? Mais ce n'était autre que l'expression de mon ressenti le plus profond. « Je veux dire, quand tu regardes ça d'un oeil totalement extérieur, c'est comme si c'était deux armées dont tu ne connaissais rien, qui se mettent sur la gueule. » Oui, non, je n'avais pas le langage toujours le plus posé et le plus lyrique. La spontanéité du caractère dirons-nous ! « Autrement dit, c'est comme s'il n'y avait pas de gentils ou de méchants. Juste un camp qui essaie de survivre... Et l'autre qui est dirigé par une force totalement folle et qui n'a d'autre choix que de mener cette guerre. En gros, juste des soldats, des guerriers qui n'ont pas le choix de la guerre qu'ils doivent livrer. » Expliquais-je en toute simplicité, tout naturellement, tout en laissant mes yeux se perdre de nouveau sur cette fresque proprement dite. « Et puis, c'est admiratif. Car, de ce que j'ai pu apprendre, les Dieux sont un peu LA force suprême de la Terre. Et, malgré cette suprématie, les Titans se sont dressés contre eux sans se demander si c'était un combat perdu d'avance ou non pour eux. » Alors oui, ce n'était clairement pas le genre de réponse ou de point de vue à laquelle s'attendait certainement la princesse amazone. Et sans doute est-ce de par mes origines extraterrestres que je pouvais me permettre d'avoir une telle position, un tel point de vue, un tel regard. « Même si je suppose qu'on doit remercier les Dieux du... Mont Olympe, c'est ça ? D'avoir remporté cette bataille, sinon il n'y aurait pas eu la Terre telle qu'on la connaît ? » Eh bien oui, c'est bien d'avoir son opinion, mais ça l'est tout autant de connaître les enjeux que de telles guerres et de telles batailles peuvent avoir eu dans l'évolution du monde dans lequel on se trouve présentement !
   

Dans un monde qui nous adopte, il est toujours très délicat d'appréhender avec justesse les notions de mal et de bonté. Beaucoup plus difficile que de fonctionner au rythme de notre ressenti face à ce que l'on découvre, face à ce qui nous fait face, face à ce qu'on nous exprime. On ne pense pas spécialement à une notion quelconque de justice. On jauge surtout comment cela joue sur notre affectif. Est-ce que cela nous touche ? Est-ce que cela nous rend triste ? Est-ce que cela nous blesse ? Ou, au contraire, nous rassure, nous enchante ou nous fait nous sentir bien ? Je marche beaucoup à l'affect et, ce, même en temps que pseudo justicière ! Ne connaissant nullement l'ensemble complexe de toutes les lois pouvant régir l'entièreté de ce pays et de ce monde, je n'ai toujours que quelques secondes pour me fier à mon instinct et, à l'aide de ce dernier, déterminer ce qui me semble juste ou pas. Ce qui me semble normal. Ce qui me semble criminel ou menaçant. Et je pense que cela peut aisément se remarquer aux travers des propos et de l'avis que m'inspire les Titans. Sans doute étaient-ils beaucoup plus néfastes et macabres que ce que je pouvais penser. Sans doute étaient-ils des monstres sans coeur et sans âme. Peut-être même que l'on devait remercier les Dieux d'avoir vaincu la pire de toutes les menaces frappant ce monde, à l'heure où les Hommes n'étaient pas encore présents... Allez savoir !

Je ne sais pas pourquoi, mais j'eus le sentiment que Diana ne devait pas s'attendre à un tel point de vue de ma part. Ceci dit, même si j'appréciais déjà beaucoup l'amazone, je ne renierais jamais une interprétation ou un quelconque ressenti, même si cela doit me mettre en porte à faux vis-à-vis de ma nouvelle partenaire de ce soir. Je ne sais pas si je dois remercier les années de souffrance sur Tamaran pour cela. Mais, au plus profond de mes tripes, je savais que je ne pourrais jamais renoncer à mes convictions, ni courber l'échine pour faire plaisir à quelqu'un, et ainsi m'en effacer face à lui. Et, ce, même si j'adorais être ouverte d'esprit et empathique autant que possible. Néanmoins, je ne suis pas déçue ou attristée de la réaction de Diana, que du contraire même ! Car, si nos avis différent certainement sur l'interprétation de ces légendes, je la vois commenter et approfondir implicitement la conversation au lieu de m'en juger. Cela me plaisait. J'appréciais ! Et je ne manquais nullement d'ailleurs de me tourner entièrement face à elle pour laisser l'échange se poursuivre ! « Hum... Fascination c'est peut-être un peu exagéré... Mais intriguée, ça oui ! » Souris-je, tout en laissant mes yeux soutenir son regard. L'un de mes bras s'enroula sous ma poitrine pendant que je laissai le coude de l'autre reposé sur ce dernier, tenant mon verre désormais vide par le dessus. « Différent comment ? » Question difficile, je le conçois ! Mais question aussi réthorique qu'instinctive. Je veux dire, c'est le genre d'interrogation où personne ne peut apporter de véritables réponses. Je pense que tout dépend de l'interprétation de chacun en réalité. De l'interprétation et de l'imagination ! Je ponctuai néanmoins mon interrogation d'un petit sourire amusé. « Enfin, comment... Je sais. Tu me diras que ce serait différent. Sans doute pire, peut-être meilleur... Ou tout simplement différent ! » Répondis-je moi-même à ma propre question dans une certaine candeur. « Tu crois ? » Finis-je par relever sa supposition en haussant les épaules, comme si de rien n'était. « Si tu en as en stock, je ne dis pas non ! » Conservant mon sourire, je décroisai finalement mes bras pour laisser ma main libre venir à la rencontre de sa peau, de son bras. Un contact doux, chaud, soyeux, délicat. Un contact aussi simple que léger. « Mais rassure-toi, ça peut attendre ! » Riais-je. « Après tout, c'est la 'fête' ! Tu n'as peut-être pas spécialement envie de raconter toute l'histoire de la Grèce antique à une jeune novice comme moi ! » Continuais-je dans une teinte d'humour et d'autodérision. « Mais, tu en as rencontré... ? Des Titans... ? »
   

Laisser mon imaginaire me donner une idée de ce que ce monde, de ce que la Terre aurait pu être... Avec de tels qualificatifs tel que lugubre ou sombre, mon esprit se glissa aussitôt vers une macabre imagination. En effet, j'essayais de transposer cette histoire en ce qui aurait pu changer à jamais le visage de Tamaran. Et je me souviens alors tout bonnement d'un ancien conflit, d'une ancienne guerre dont j'en ai goutté quelque peu la résurgence. Et cette guerre ? Ce n'est nulle autre que les forces de mon royaume contre celle de la Citadelle. Je ne peux accepter l'idée du visage qu'aurait eu alors ma terre natale si, bien des siècles plutôt, ces ennemis de toujours étaient parvenus à saccager de notre planète. Qu'en aurait-il fait ? Qu'en aurait-il été de notre 'espèce', de notre 'race' ? Aurait-elle survécu ? Aurait-elle été divisé entre alliés et ennemis de ce régime et de cette dictature ? Ou bien aurions-nous tous été réduits en esclavage à défaut d'être totalement exécuté ? Je pousse alors ma réflexion en m'éloignant de la Citadelle pour me questionner sur tous les changements qu'auraient pu avoir un conflit ouvert entre mon peuple et ses seigneurs de guerre d'Okaara ! Nous avions eu la chance de les compter parmi nos amis, nos alliés... Mais qu'en aurait-il été dans le cas inverse ? Connaissant leur maîtrise et leur art de la guerre, j'en reviens au même résultat d'une domination totale de la Citadelle : une terre aride, brûlée, marquée par la mort et le désespoir. Mon esprit redessine les contrées de Tamaran de façon macabre. Un royaume perdu et hanté par l'esprit d'une espèce éteinte et emportée dans la plus violente de toutes les souffrances. Pourquoi ? Pourquoi ais-je du, ais-je voulu me lancer dans cet exercice d'imagination et d'interprétation en cet instant même. Mon regard était devenu vide, absent, égaré dans sa réflexion tandis que mon coeur ressentait une violente pointe en son sein. Ca fat mal, très mal. Comme si une main ferme et solide usait de toute sa force et de sa violence pour vous pourfendre d'une épaisse lame parfaitement aiguisée, en plein centre de votre poitrine ! Tranchant vivement et brusquement votre organe le plus vital. Et c'est alors qu'une pensée bien plus sombre et bien plus funeste traverse alors mon esprit. Je n'aurais jamais du commencer à me perdre dans cette imagination...

Je ne prête plus particulièrement attention aux paroles que peut avoir Diana, non. À l'inverse, mon visage se baisse et mon expression se fige, se vide pendant que mes yeux partent à la rencontre du sol. La victoire des Dieux a permis à ce monde d'être ce qu'il est aujourd'hui... Un monde 'heureux', avec certes ses malheurs mais tout en se développant dans une certaine forme d'harmonie et, ce, même si la guerre semble être une réalité qui poursuivra l'univers tout entier, et chaque espèce vivante. Une victoire difficile, qui n'a pas du se faire sans mal. Une victoire pour un combat qui était sans doute perdu d'avance... Mais ils n'ont pas hésité à défendre leur monde, leur territoire... Et moi... ? Oui, et moi... ? Si vous vous demandez où je veux en venir, je constate surtout que j'ai pris la fuite et que je n'ai jamais cherché à venir en aide à Tamaran, ni à m'assurer que ce royaume qui devait me revenir ne sombrait pas lui-même dans une sombre époque pouvant faire basculer à jamais son avenir... Oui, non, je me pris d'effroi envers moi-même. Car si on peut se permettre d'imaginer ce qu'aurait été obscurément la Terre en cas de victoire des Titans... Je ne peux qu'imaginer ce que serait Tamaran aujourd'hui si j'avais pris les armes et non la fuite il y a cinq ans d'ici... Sans compter le visage qu'elle pouvait dés lors offrir depuis l'invasion de la Citadelle et le retour de ma soeur, elle et c'est sans envie de couronne, de pouvoir, de vengeance et de suprématie. « Ou... Oublie tout ça, Diana, tu veux bien ? » Secouais-je finalement la tête en relevant mon visage, tâchant de virer au mieux l'aspect d'inquiétude, de remords, de culpabilité et d'effroi qui avait pu gagner mes expressions. Je préférai faire en sorte de lui apporter les plus beaux sourires qu'elle méritait : ça et uniquement ça ! « J'étais juste intriguée et fascinée par la fresque et la façon dont tout avait été dessiné. Ca s'en arrête là ! » Je passe ma main libre sur mon visage, m'aidant de ce geste pour que le plus beau de mes sourires revienne et retrouve toute sa grandeur et sa splendeur. Je profitai d'ailleurs du passage d'un serveur pour me libérer de mon verre vide. « Après tout, il y a bien d'autres choses à voir et à apprendre que cette peinture, non ? » Et vu que je préférais, et aimais, écarter l'attention sur ce mini 'trouble' qui venait de me traverser, je ne manquais pas de recentrer l'attention sur la belle amazone. « D'ailleurs, ça te fait quel effet d'assister à ce genre d'exposition ? »
   

Ma surprise fut soudaine lorsque, sans prévenir, Diana me fit quitter l'admiration de cette fameuse fresque afin de me guider dans un coin plus calme et plus 'isolé' de la salle de réception. Intriguée, mes sourcils furent froncés alors que j'entendais le son de ses premières paroles. Si l'espace d'un instant, d'une seconde, je ne comprenais pas où elle voulait en venir, tout devint rapidement clair à la fin de ses premières phrases. Je pourrais m'en vouloir, très certainement. M'en vouloir de ne pas encore passer maîtresse dans le masquage des émotions et la disparition de ces dernières. M'en vouloir de ne pas avoir encore assez d'expérience dans l'art de l'illusion afin de continuer d'offrir mon visage le plus souriant, et n'inspirant aucune crainte, ni inquiétude quelconque. En revanche, cet échec me permit néanmoins de me sentir envahie par une vague de chaleur touchante. Car, oui, les mots et les paroles de Diana m'allèrent droit au coeur. Je fus profondément touchée que, aussi peu nous connaissions-nous, elle me considère déjà comme une proche envers laquelle se montrer présente, ainsi qu'à l'écoute. Tout comme je ne manqua nullement ce simple geste affectif et réconfortant qu'elle eut sur mon bras. Mon sourire s'en élargit alors, tandis que mes yeux se baissèrent, glissant brièvement sur ce contact avant que je n'exprime un léger hochement de tête. « Je t'en remercie, très sincèrement, Diana... » Prononçais-je avec délicatesse avant de laisser mon visage et mon regard se redresser lentement vers la guerrière amazonienne. Mon charmant sourire avait repris ses droits sur mon visage. « Et je te fais également la promesse solennelle que, le moment venu, je te raconterai tous ces souvenirs que ça a pu m'évoquer... » Un très légèrement hochement de tête appuya mes propos. Oui, je venais d'offrir la promesse d'un jour lui raconter toute mon histoire. Et j'étais une femme de parole ! Certes, cela pouvait paraître encore 'tôt' pour dévoiler tout ce qui a fait votre vie jusqu'alors à une femme que vous ne connaissiez pas il y a encore quelques semaines, quelques faibles mois d'ici. Mais ce que l'on disait de Wonder Woman et de Diana n'était pas un mythe, ni exagéré : la princesse des amazones savait inspiré la confiance, et respirait tant l'empathie que la compassion. Alors, non, je ne lui faisais pas cette promesse à la légère. « Mais en attendant, nous sommes là pour visiter et pour profiter ! Et puis, il parait que dans les moeurs humaines, deux belles femmes à une soirée, ça fait tout sauf pleurer sur leur passé ou des souvenirs, alors bon... » Tournais-je cette sorte de 'conclusion' à notre petit aparté avec mon rire, ma bonne humeur, mon ironie et mon sens de la légèreté habituel. Ce que je ne dévoilais pas, en revanche, c'est que je préférais mille fois profiter de cet instant en compagnie de la guerrière héroïque que de m'adonner à une quelconque séance de psycha... de psycho... Enfin le truc que disent les humains quand on étudie leurs pensées et leur caractère quoi !

« J'espère que tu ne seras pas déçue alors ! » Avais-je retrouver toute la naturalité de mon sourire chaleureux alors que nous quittâmes notre petit coin isolé pour repartir à la découverte des oeuvres, des objets et des trésors perdus exposés ici-même. Je notai toutefois ce nom de déesse qui venait d'être évoqué par Diana. Mes sourcils se froncèrent pendant deux à trois secondes, le temps de la réflexion. « Aphrodite... » Mentionnais-je avec interrogation. « C'est la déesse de la beauté... Ou de l'amour, c'est ça ? » Demandais-je à mon interlocutrice. Et oui, je n'oubliais pas que l'un de mes buts en venant ici était aussi de pouvoir en apprendre d'avantage sur la culture de la Grèce Antique. Pourquoi cet intérêt ? Eh bien, au plus profond de moi, j'étais assez curieuse de savoir si les richesses de cette période de l'histoire terrestre pouvait renfermer autant de surprises et d'émerveillement que pouvait, à elle seule, inspirée Diana et son identité de justicière ! Nous continuâmes d'avancer au coeur de la salle. Toujours avec attention, j'écoutai les propos de Diana tout en venant attraper silencieusement la coupe de champagne qu'elle me tendit. Je m'en délectai ainsi d'une gorgée avant de m'arrêter juste aux côtés de l'amazone. Notre point d'arrivée ? Une vitrine où d'étranges objets demeuraient précieusement enfermés. Je n'avais encore jamais vu de tels objets. Et j'ignorais totalement qu'il pouvait alors s'agir d'armes. Prenant une nouvelle gorgée de champagne, je me mis à sourire alors. J'aimais sa façon d'amener l'existence, l'histoire pouvant se cacher derrière tout objet présent en ces lieux. Elle avait alors un visage tellement expert, naturel et passionné à la fois. Comme disent certains humains, c'est une allure qui lui allait merveilleusement au teint. Et si l'amazone ne m'avait guère interrogée, je crois que j'aurais pu me perdre dans la contemplation des traits de son visage à mon propre insu. « Hum... » Je hausse les épaules et ne peut retenir un petit sourire amusé. « Ta question est amusante... Car chez nous, être entraînée comme une véritable guerrière, ce n'est pas forcément avec des armes... » Ris-je délicatement. « Mais, pour te répondre, j'ai été formée à l'art du combat par des seigneurs de guerre. Les seigneurs de guerre d'Okaara. De grands et puissants guerriers. Bien sûr, ils m'ont formé à la maîtrise de certaines armes... » Expliquais-je, sans même me rendre compte que la langue que j'employai changea radicalement en une autre forme de dialecte dont je n'avais pas connaissance jusqu'alors. « Mais chez ces seigneurs de guerre, la valeur d'un combattant dépend avant tout de sa façon de pouvoir triompher de ses adversaires par la seule force de ses poings. Pour certains d'entre eux, user d'armes est une lâcheté et une défaite en soi. » Expliquais-je donc le tout, dans ce langage instinctif, inné, devant provenir du toucher qu'à effectuer Diana sur ma peau quelques instants plus tôt. Mais, ce n'est que maintenant que j'en pris conscience. Je posai alors ma main libre à hauteur de ma bouche. « Oups, désolée... » Je ris de façon gênée. « Je l'ai pas fait exprès... Et je me suis même pas rendu compte ! »
   

Ce qu'il y avait de fascinant au travers de la mythologie, c'était de voir comment l'espèce humaine, fut un temps, avait tout rattaché aux personnes divines même qu'étaient les Dieux. Et je dois bien reconnaître qu'avant de faire la rencontre de Diana, et de Wonder Woman, je devais rentrer dans la majorité des êtres humains qui pensaient que cela n'était que de l'ordre de l'histoire, de l'invention, d'un imaginaire collectif pour expliquer ce qui ne pouvait l'être à l'époque. Et plus renversant encore, l'origine même de ces histoires n'étaient que réalité et vérité. Sans doute que plusieurs versions étaient tronquées, et je pense que je pourrais en savoir d'avantage grâce à toute la connaissance en la matière de la part de Diana. Mais pour l'heure, il est vrai que cela avait un côté 'amusant' de se dire qu'une entité à elle seule incarnait la notion même de beauté et d'amour. Je me demandais d'ailleurs, par simple curiosité, quelle visage pouvait avoir cette déesse ? Une réflexion amusante et amusée qui se brisa toutefois violemment face à ce partage et cette confession que le visage de la Grèce antique venait de m'apporter. J'aurais pu me contenter de simplement écouter avec attention, hocher de la tête et demeurer silencieuse. Cependant, ma spontanéité eut une fois de plus raison de ma... raison justement ! « Je pense qu'il n'y a pas que pour les Hommes que cela peut être inconnu... Ou même un mystère... » Mon regard se perdit dans le vague, dans le vide. Quand j'y réfléchis, mon parcours et mes jeunes années ne m'ont pas donné, jusqu'alors, l'occasion de découvrir, de ressentir, ni même de partager ce que pouvait être l'amour. Que cela aille de l'amour ne fut-ce que familial, à l'amour plus intime et unique que l'on peut partager avec une autre personne. En ressentais-je un manque ou un regret ? Eh bien, je me dis qu'on ne peut être en manque de ce qu'on ignore. Le regretter par contre... Sans doute lorsque je vois tous ces couples qui marchent heureux, souriant, amusés, se tenant main dans la main et échangeant furtivement certains baisers ou autres embrassades. C'est comme si je voulais les envier et que, de l'autre côté, je considérais cela naturel mais nullement à ma porte... Et que je n'en n'avais pas plus besoin que ça pour le moment. Une sensation étrange et contradictoire, mais sans doute qui explique le fait que je ne me sois jamais totalement et réellement attarder sur ce point. L'amusement ? Oui, ça m'est déjà arrivé. Mais m'ouvrir et partager de véritables sentiments... Un jour, peut-être !

Quoiqu'il en soit, je profitai du passage d'un serveur pour venir finir le restant de mon verre d'une traite, et de me débarrasser du verre, en miment le geste de Diana. Me perdant dans mes propos, je ne pus que remarquer le changement d'expression de la guerrière sur son visage. L'interrogation me prit alors, mais trouva rapidement réponse. Je pense que, sans que cela ne soit véritablement mon intention, j'avais pu contrarier ou froisser la susceptibilité de l'Amazone. Je voulus agiter alors la main en guise d'excuses, à défaut de m'y confondre, tout en rougissant légèrement. « Crois-moi, je ne voulais pas remettre les coutumes de ton peuple en cause. » Je ne voulais pas qu'elle se méprenne, mais je ne briderais pas ma franchise pour autant, raison pour laquelle je ne restai pas sur ses mots, bien que je ne cherchais nullement la polémique. « Mais je ne te contredirai pas. Si certains de mes anciens précepteurs restent focaliser sur cette vision, nous savons tous l'importance et l'utilité d'une arme en combat. Mais il est vrai que l'on nous apprend... Et que l'on nous force à donner le meilleur de nous-mêmes plus d'une fois, mains nues, face à d'autres qui sont souvent extrêmement bien armés. » Ponctuais-je dans une sorte de léger amusement, bien que ces années d'entraînement furent loin d'être une partie de plaisir. « C'est leur façon de forger les 'jeunes recrues' afin qu'elles n'oublient jamais que leur force ne vient pas de l'arme en elle-même. » Ceci dit, un petite lueur amusée et presque défiante se mit à perler mon regard lorsque Diana se rapprocha de moi et me susurre la potentialité qu'elle aurait pu avoir de me lancer un défi... « Faites attention, princesse de Themyscira... C'est un défi que la guerrière de Tamaran pourrait prendre plaisir à relever ! » Ponctuais-je d'un petit clin d'oeil, avec un regard en coin entendu. Ceci dit, je ne pouvais pas lui reprocher sa nouvelle initiative. Bien que les lieux étaient resplendissant de merveilles et de trésors du passé, un petit coup d'oeil aux alentours me forgea dans la conviction que je préférais d'avantage m'évader un petit instant en compagnie de l'Amazone, que de demeurer seule, ici, dans l'expectative. « Je... Oui. On peut faire ça. Je dois reconnaître que les mondanités, c'est pas toujours mon grand dada. Même si je mentirais en disant que je n'aime pas être sous les feux des projecteurs, les strass ou les paillettes ! » Plaisantais-je, tout en replaçant convenablement une mèche de cheveux derrière mon oreille. « Mais c'est avec un très grand plaisir que j'accepte, et que je me dévoue à vous tenir compagnie, princesse Diana. » Souris-je avec une pointe de classe et de charme à la fois, en toute légèreté et perpétuelle décontraction.