i named myself after a god to give people hope (apollo)

Los Angeles, 2017.

Je marche dans les rues animées du centre-ville, habillé d'un simple t-shirt blanc et d'un jean trop serré pour être légal. Les sourcils froncés sur mes yeux d'un bleu métallique, j'observe les passants qui pullulent tout autour de moi, les lèvres serrées. Los Angeles n'a jamais été une ville austère. Ici, les gens sont souriants, avenants et beaucoup trop amicaux pour être honnête. La vérité, c'est que la cité des anges n'est qu'une ville d'hypocrites, une ville infestée par la superficialité, les apparences et la bêtise humaine. C'est probablement pour cela que de nombreuses célébrités y habitent, histoire d'évoluer dans un monde qui leur ressemble. Je n'ai jamais été comme eux, comme tous ces gens assoiffés de pouvoir et d'argent. Je suis né à San Francisco, il y a trente ans, au sein d'une famille particulièrement pauvre : les Pulaski. Mes parents ne travaillaient pas, à cette époque. Mon père suivait une formation de policier et ma mère, une fervente chrétienne légèrement extrémiste, était cantonnée au statut de femme au foyer, quand bien même notre minuscule maison délabrée ne demandait pas beaucoup de soins. Ils voulaient m'abandonner dans un orphelinat, au départ, conscient qu'ils ne pouvaient pas élever un enfant dans ces conditions. Mais mon père a insisté pour m'envoyer chez quelqu'un, au lieu de me laisser grandir dans un environnement peu adapté pour un nourrisson. J'ai donc été placé chez Henry Bendix, un généticien qui travaillait pour le compte du gouvernement américain. Henry n'était pas un mauvais bougre, mais son paternalisme laissait grandement à désirer. Jusqu'à mes dix ans, je suis resté enfermé dans un laboratoire secret enterré sous une ancienne usine de métallurgie, avec pour seule compagnie les collègues scientifiques de Henry. Si j'avais quand même ma chambre, façonnée à la va-vite dans un petit débarras, ne pas voir le monde extérieur devenait de plus en plus frustrant. Henry le savait, c'est pour cela qu'il m'accordait presque tout ce que je demandais, à savoir une télévision, un accès au net et un petit chien du nom d'Argon.

Mais pour lui, en fin de compte, je n'étais qu'un rat de laboratoire, un cochon destiné à être envoyé à laboratoire. Peu après mon onzième anniversaire, Henry m'a emmené dans une pièce remplie de gadgets, dans laquelle reposait un lit en métal doté de menottes et de chaînes. Il m'a attaché dessus, devant le regard impassible des autres scientifiques. Malgré mes hurlements et mes pleurs, aucun d'entre eux n'a daigné me détacher. Et les expériences ont commencé. Henry m'a soumis à une lumière éblouissante durant de longues semaines. Je suis resté des mois sur ce lit, sans jamais me lever. Mes besoins primaires étaient tous assurés par diverses sondes et perfusions. Je n'ai plus jamais revu Argon, suite à ça. Henry m'a raconté qu'il s’était échappé du laboratoire, mais je n'étais pas dupe. Ce type n'était qu'un monstre qui ne lésinait devant rien pour accomplir son « œuvre. » Scientifique fou qu'il était, il m'a expliqué qu'il voulait me transformer en une sorte de super-arme, destinée à servir le gouvernement américain dans sa lutte contre ses ennemis. Probablement les pays arabes et la Russie, pour ne pas changer. Quand je lui ai demandé « pourquoi moi », il s'est contenté de hausser maladroitement les épaules. C'était tombé sur moi, comme ça aurait pu tomber sur n'importe quel gosse. La lumière qu'il m'envoyait, à ma plus grande surprise, était celle du soleil. Grâce à un mécanisme de son invention, il parvenait à puiser une infime puissance de l'astre solaire, avec laquelle il irradiait mon corps. Couplé à un implant alien fixé dans mon cerveau, mon corps s'est progressivement adapté à la lumière, à la chaleur et à la morsure du soleil. Mais Henry en voulait toujours plus. Il a augmenté le taux d’ensoleillement, malgré la douleur infâme que je ressentais. Je ne sais pas combien de fois j'ai perdu connaissance, sombrant dans les ténèbres insondables de mon propre esprit tourmenté. Cela a duré trois ans. Trois ans. Henry m'a débranché à l'aube de mes quinze ans, satisfait des résultats de son expérience. Une erreur qu'il a rapidement regrettée lorsque je me suis réveillé. Conscient de la force surhumaine qui circulait dans tous mes muscles, je l'ai attrapé par la gorge avant de le balancer contre un mur, le tuant sur le coup. J'étais jeune, et en colère. Qu'elle idée d'offrir une telle puissance à un adolescent plein d'hormones, aussi. Les autres scientifiques n'ont rien fait lorsque je me suis échappé de l'organisation. Après tout, que pouvaient-ils faire face à l'étoile meurtrière que j'étais devenu ?

Après quelques recherches, je suis retourné chez mes parents biologiques, sans jamais leur raconter cette histoire. Je leur ai simplement expliqué que Henry m'avait donné leur nom et leur adresse et qu'il m'avait assuré que j'étais assez mature pour les rencontrer. Enchanté de me retrouver, mon père m'a demandé de rester avec eux. Il m'a avoué qu'il avait énormément souffert de mon absence et qu'il s'en voulait. Ma mère s'est contenté de hocher la tête, sans trop rien dire. Après tout, c'est lui qui décidait de tout à la maison. Papa était policier depuis dix ans, et maman... était toujours femme au foyer. S'ils n'étaient pas très riches, ils pouvaient désormais vivre convenablement, même avec une bouche de plus à nourrir. Pour la première fois de ma vie, j'ai eu l'espoir d'être comme les autres. J'avais des parents, des amis et je pouvais me promener dehors, sans être constamment enfermé dans ma chambre. Mais j'ai rapidement découvert que je n'étais pas comme les autres. Pas parce que je possédais des pouvoirs colossaux (que je cachais à tout le monde et que j'apprenais à contrôler en cachette), mais parce que mes yeux ne se posaient pas sur les filles, comme tous les garçons de mon âge. Au collège, les insultes homophobes pleuvaient. Pas contre moi, puisque là encore, je cachais ce que j'étais, ou plutôt qui j'étais, mais la peine que je ressentais restait la même. Je me suis enfermé dans un placard de mensonges durant des années, allant même jusqu'à sortir avec des filles pour brouiller les pistes. Doté d'un charmant visage et d'une musculature impressionnante, je n'ai eu aucun mal à trouver des prétendantes.

Mais à l'âge de vingt-et-un ans, j'ai décidé de quitter San Francisco, histoire de prendre un nouveau départ. Ma destination ? Los Angeles. Un choix hasardeux, de dernière minute. Je voulais partir coûte que coûte. Je n'ai prévenu personne, me contentant de faire ma valise et de m'envoler, littéralement, pour la cité des anges. Là-bas, j'ai commencé une petite carrière de super-héros. Oh, rien de très impressionnant. Je sauvais les gens d'un immeuble en feu, j'arrêtais les braqueurs de banque et ce genre de petits sauvetages. Ma popularité a cependant atteint un tout autre niveau lorsque j'ai démantelé un groupe de pédophiles qui sévissait dans la ville depuis des années. Ivre de rage, je n'ai pas pu m'empêcher de tuer leur leader, devant une foule de gens tout aussi en colère que moi. Mon acte, s'il a été condamné par les forces de l'ordre et les politiciens, m'a valu l'admiration des citoyens, qui n'ont pas hésité à me soutenir en parlant de moi sur internet. Je n'ai jamais cherché à être un héros, mais je dois avouer que le sentiment de justice qui m'a submergé à cette époque m'a donné envie d'en faire plus. Peu à peu, j'ai découvert que je n'étais pas seul. En me renseignant, j'ai vu qu'il existait d'autres personnes comme moi, certaines dotées de pouvoirs, d'autres non. Métropolis avait Superman, Gotham, Batman et Star City, Green Arrow. Si je n'étais pas prêt à rejoindre un groupe comme celui de la Justice League, j'ai étendu mon champ d'action, devenant officiellement LE protecteur de la cité des anges.

Aujourd'hui, j'alterne maladroitement mes deux occupations : barman dans un bar branché du centre-ville, et super-héros. C'est au cours de mes exploits que j'ai rencontré Lucas, alias Midnighter, un justicier atypique, psychopathe sur les bords. Malgré nos différents, nous avons appris à nous apprivoiser, et finalement, à nous aimer. Elle est loin l'époque où j'étais un gosse effrayé par ses sentiments. Désormais, je sais qui je suis, ce que je veux et ce que je peux faire. Je suis Apollo, le symbole d'espoir pour une communauté de plus en plus menacée par les invasions extraterrestres. Je suis leur lumière, le soleil qui éclaire les ténèbres de leur vie. Je suis un héros.